Tiens donc, t'es nouveau toi ! Comment tu t'appelles, gamin ? Remarques, j'ai la caboche qui commence à déconner sec et ça m'étonnerait que j'me souviens de ton nom dans cinq minutes... en tous cas t'es bien jeune. As tous les coups tu ne te souviens pas comment ça a commencé, tout ça, j'me trompe ?

Héhé, j'en étais sûre ! Moi j'me souviens ! Un coup de bol que je ne perde la boule que pour les trucs récents... les trucs plus anciens ça s'est bien imprimé dans mon cerveau !

Déjà, au départ, il y a eu ce truc dans le ciel. Personne a su nous dire c'que c'était. Une météorite, une comète, un ovni...y'en a qui disaient que c'était la main de Dieu, même. Le jugement dernier, ou j'sais pas quoi. En tous cas c'était magnifique ! Le truc le plus beau que j'ai vu de ma vie, sans exagérer. Comme un truc en feu qui tombait lentement du ciel, avec plein de nuages qui se formaient tout autour... des étincelles aussi... dans tous les sens. En plus, quand ce truc est tombé, c'était à peine l'aube chez moi... je me préparais pour aller à la pêche... Du coup avec les étoiles dans le ciel, les rayons du soleil qui commençaient à éclairer l'horizon, je me serais cru dans un rêve.

Mais bon, ça a pas duré. Quand ce truc est arrivé au niveau du sol, il y a eu cette lumière. Une clarté encore plus vive que celle du soleil... ça a duré pendant des mois. ça éclairait même la lune par moment...tous les trucs radio on arrêté de marcher sur le coup. La télé aussi. Plus moyen d'avoir d'infos fiables. Y'en a qui misaient tout sur internet, mais c'était sans compter sur le souffle. C'est comme ça que les mecs l'ont appelé dès le début : le souffle. Je sais pas si tu l'as déjà vu. c'est comme une tempête de sable, mais au lieu de pourrir les bagnoles avec du sable, là c'est du vent chargé en métaux. Des particules de rouille, en gros. Super fine, comme de la poussière, mais en quantité énormes.

La première fois le souffle a duré quatorze semaines. Plus moyen de se déplacer dans ce merdier ! Attention, je te parle d'une tempête avec des rafales de vent à plus de 200 à l'heure ! Ça a arraché plein de toits, cassé des arbres et retourné des véhicules. A ça tu ajoutes cette rouille qui s'accumule en congères un peu de partout, s'insinuant dans tous les petits interstices... C'est devenu vite l'enfer. 

Le militaires ont été réquisitionnés pour essayer de sauver les gens. C'est sur que les tank résistaient au rafales, mais plus moyen d'assurer les transports de marchandise sur de grande distances. Beaucoup de routiers se sont retrouvés prisonniers de leurs camions, d'ailleurs. 'fin bref, certains ont suivi les bidasse dans leurs refuges improvisés dans des endroits souterrains, d'autres ont préféré rester chez eux; et au final, après plus de trois mois et demi, le vent s'est arrêté.

C'est là qu'on a commencé à ressortir de nos abris... c'est là qu'on a vu l'étendu des dégâts. Cette poussière qui atteignait par endroit le deuxième étage, les toits effondres, les véhicules immobilisés, tout ça ça n'aurait été rien si cette poussière n'avait pas été toxique pour les sols. On était au début de la saison de la pêche... début Mars. On avait pas encore récolté quoique ce soit cette année là, et les stocks de l'année précédente avaient déjà prit un bon coup dans l'aile... Autant te dire que c'est là qu'on a compris ce que ça voulait dire de crever la dalle.

Après, le souffle est revenu, mais ça a duré moins longtemps. Quelques semaines, quelques jours ou quelques heures même, parfois, quand on est en veine. Personne a su encore prédire sa venue. Par contre on sait qu'il vient toujours de cette lumière...d'ailleurs elle s'est pas éteinte, après toutes ces années. Des gens sont partis dans cette direction pour voir ce que c'était, mais on ne les a jamais vu revenir. Les communications radios ont été remises en fonction, mais il faut veiller à les éteindre un peu avant l'arrivée du souffle, parce qu'il y a des trucs électromagnétiques qui se produisent et ça grille les composants électroniques...me demande pas de détails, c'est ce que disent les mecs qui s'y connaissent. Moi c'est pas mon rayon.

Ah, tiens, je crois qu'elle t'appelle, la demoiselle, là-bas. C'est ta sœur ? Ta mère !  Ah... Bin tu lui passera le bonjour de la part du Vieux Marcel... c'est moi. Et si tu veux revenir causer un peu, n'hésite pas ! A bientôt gamin !